lundi 20 mars 2017

[ATC] Une histoire de la photographie

Nous avions reçu Ferrante Ferranti le 8 mars 2016, pour travailler avec lui sur des prises de vues photographiques sur le site de l'ancienne Abbaye de Buzay.
  
Nous recevrons également Ferrant Ferranti le 5 avril 2017, pour une nouvele séance de prises de vue, une enquête photographique à l'Unité d'habitation de Rezé, autrement appelée Cité Radieuse.
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On peut imaginer un T.P., en prolongement à ce point ATC, qui consisterait à choisir, chacun(e) d'entre nous, 3 photographies qu'il ou elle apprécie — pour de multiples raisons possibles, à inclure dans les chapitres énoncées ci-dessous en tentant de répondre aux 3 questions posées dans chacun de ces chapitres.
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Une histoire de la photographie
en nous appuyant sur le livre de Ferrante Ferranti
"Lire la photographie" aux éditions Bréal 2003.

Tous les textes, sauf mention contraire, sont issus du livre de Ferrante Ferranti


Lire la photographie -Ferrante Ferranti
Lire la photographie - Ferrante Ferranti Editions Bréal 2003

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 "Concentré, dans l'attente du moment juste, celui où la statue serait pleinement exposée au rayon du soleil, je me retournai et me vis entouré d'un groupe de personnes qui cherchaient à deviner ce que je photographiais. Ils suivaient mon regard mais chacun d'eux aurait fait une image différente de la mienne."
Ferrante Ferranti
CONTEXTE
• Une image peut-elle se passer de légende ?
• Peut-on bien voir sans tout savoir ?
• Replacer les photographies dans leur contexte de prise de vue peut-il nous aider à nous sentir concernés ?


 dos passos modotti 1927
Une fois défini, le contexte modifie, sinon influence, notre perception de l’image et charge le paysage de sens.

Que serait la photographie de Tina Modotti sans l’indication manuscrite ? Si on ne le connait pas, on se demande qui est Dos Pasos. Qui plus est, la faute d’orthographe dans le nom sème le doute. On note d’emblée le contraste entre l’homme vêtu à l’occidental avec un tissu mexicain sur les épaules et les fantomatiques campesinos qui l’entourent. Posait-il pour le photographe ou souriait-il à ses interlocuteurs, dont les deux seuls « lisibles » de profil, ont emmitouflé le bas de leur visage ? On a besoin alors de rattacher l’image à l’histoire et à la personnalité de Tina Modotti.
COMPOSITION
• Quelle force prime dans cette photographie ?
• Sur quels éléments repose l'équilibre d'une composition ?
• Dans quelle mesure le cadrage révèle-t-il ce que l'on ne voit pas ?


Edwaed Steichen autoportrait 1898
(…) Edward Steichen, exposant en 1900 à Londres un autoportrait où il apparait décentré, tronqué, se heurte à l’incompréhension des journalistes qui ont feint de croire que la coupure du cadrage n’était pas intentionnelle mais trahissait un manque de technique. L’influence de Steichen était notoire et nous renvoie à l’incompréhension qui a accueilli les œuvres impressionnistes aux Salons et lors de leur première exposition collective, en 1874, chez Nadar.

Lucien Hervé Le Corbusier et modulor Marseille 1932
Le Corbusier, en bordure du cadre de la photographie, s’inscrit avec l’ombre de sa main et de son bras sur sa créature, régie selon le modulor, comme sur un cadran solaire. Ainsi Hervé — a qui Le Corbusier écrit après avoir vu ses photographies : « Vous avez l’âme d’un architecte. » — définit l’harmonie d’une photographie comme un accord bien réglé entre les diverses parties d’un ensemble, au sein d’une composition qui repose sur des éléments de base telle la ligne, la largeur, la hauteur, la profondeur.

TEMOIGNAGE
• La force graphique d'une image occulte-t-elle ou renforce-t-elle l'événement dramatique ?
• La photographie nous aide-t-elle à ouvrir les yeux sur la réalité ?
• La photographie est-elle le plus objectif des témoins ?


Tina Modotti misery-mexico-city-1928
Dès 1925 (…) le vocabulaire de Tina Modotti invoque l’art, l’existence, la vie, mais aussi la lutte, la victoire, la souffrance. « L’art ne peut exister sans la vie, je l’admets, mais […] dans mon cas, la vie est toujours en train de lutter pour l’emporter et l’art évidemment en souffre . » Le parcours de Tina Modotti reste intimement associé aux bouleversements sociaux les plus dramatiques du XXe siècle : le Mexique post-révolutionnaire, le Berlin des premières années du nazisme, les débuts de la Russie stalinienne et l’Espagne de la guerre civile. Le 10 juin de l’année où elle témoigne de la répression mexicaine, son compagnon, l’exilé cubain Julio Antonio Mella, est  assassiné en pleine rue à Mexico, tandis qu’ils déambulaient main dans la main. Elle est condamnée à rentrer en Europe.
Casasola _ zapata 1919

REPORTAGE
• L'interprétation d'une photographie diffère-t-elle selon le contexte et l'époque ?
• La photographie crée-t-elle sa propre vérité ?
• Le reporter doit-il renoncer à l'art ?


 Wernecke assassinat W. Gaymor NY 1910
En 1910, un photographe américain demande à William Gaynor, maire de New-York, de poser pour lui. Il pointe son appareil quand, soudain, deux coups de feu partent de la foule. L’instantané du maire effondré dans les bras d’un collaborateur entre dans l’histoire.

Salgado tentative assassinat reagan 30 mars 1981
S’il eut une activité de photojournaliste (il a couvert, dans les années 1970 et 1980, les guerres en Angola, au Sahara espagnol, la prise d’otages israéliens à Entebbe ou la tentative d’assassinat du président des États-Unis Ronald Reagan), Sebastião Salgado s’est orienté à partir des années 1980 vers le reportage à travers des documentaires personnels à long terme qui donnèrent naissance, notamment, à  Autres Amériques (1986), Sahel, l’Homme en détresse (1986), La Main de l’homme  (1993),  Terra  (1997), Exodes (2000). En 2004, il entame un nouveau projet sur la nature intitulé Genesis. S. Salgado se veut avant tout citoyen du monde. Il est devenu un des plus célèbres représentants de la photographie humaniste. Sa conception traditionnelle du reportage s’inscrit dans la lignée des travaux de photographes nord-américains comme Dorothea Lange et surtout Eugene Smith qui prémédite longuement sa photographie, étudie soigneusement sur le terrain les situations de tension politique, sociale, économique pour produire une image au service d’une cause. La photographie est à ses yeux un langage universel qui doit permettre au « photographe concerné » qu’il est de témoigner des injustices du monde.
Dossier de presse BNF 2006
Gilles Peress -  Bloody Sunday, une minute avant la fusillade de Derry - Irlande du Nord - 30 janvier 1972
L'homme assis par terre à gauche, un anonyme, s'appelle James Wray.
Quelques minutes après cette photo, il sera abattu par la police.
Grâce à cette photo, il deviendra une icône de la résistance des catholiques.

ENGAGEMENT
• Cette photographie est-elle au service d'une cause ?
• Une image peut-elle être neutre ou le photographe s'engage-t-il toujours par son regard ?
• L'engagement politique dispense-t-il de l'engagement artistique ?


Zecchin _ Benedetto Grado 1983
campagne Benetton 1992
Thibault Barricades Saint-Maur. Avant l'attaque, 25 juin 1848. Après l’attaque 26 juin 1848

Thibault Barricades Saint-Maur. Avant l'attaque, 25 juin 1848. Après l’attaque 26 juin 1848

Aujourd’hui, il est banal de voir une armée de reporters s’inscrire dans l’actualité. (…) Le premier reportage date de 1848, et n’est constitué que de deux plaques de verre ; le 25 juin, un photographe, connu sous le seul prénom de Thibault, brave le couvre-feu et installe son appareil sur un toit de Ménilmontant. Le lendemain, il retourne exactement au même endroit : il ne reste plus rien des barricades, détruites entre temps à coups de canon. Les deux images sont publiées dans l’illustration, accompagnées d’un récit circonstancié des évènements, et marquent une étape vers la chute de la Monarchie de Juillet.

Dorothea Lange Farm security administration 1936
Cette femme au visage marqué et au geste inquiet, qui serre contre elle ses trois enfants en haillons, a été photographiée par Dorothea Lange en 1936 au camp de Nipomo, en Californie. Incarnation du dénuement mais aussi du courage, elle a fini par symboliser la Grande Dépression américaine et la résilience d'une nation face à la crise. Roy Stryker, employeur de Dorothea Lange à la Farm and Security Administration (FSA), voyait même en elle une madone universelle : "Elle a toute la souffrance de l'humanité mais sa persévérance aussi. Une retenue et un étrange courage. Vous pouvez voir tout ce que vous voulez en elle. Elle est immortelle."
Mais La Mère migrante, la vraie, n'a jamais correspondu à sa légende, et n'a jamais apprécié d'être réduite à un symbole.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/25/mere-colere-contre-mere-courage_3453751_3246.html
PORTRAIT
• Les accessoires et les éléments du décor reflètent-t-ils le statut social du modèle ?
• Le portrait doit-il servir la personnalité du sujet ?
• Le photographe doit-il révéler ce qui se cache derrière les apparences ?


tazio secchiaroli avedon loren 1966
[Tazio Secchiaroli et Richard Avedon] se rejoignent dans cette parole d’Avedon : « Les photos ont pour moi une réalité que les gens n’ont pas. C’est à travers ces photos que je les connais. » Et les spectateurs avides de la réalité des célébrités, souvnet inaccessibles, entrentdans leur intimité à travers les images que l’on donne d’elles.
Cette mise en abyme souligne la subjectivité du regard en général et des trois regards en particulier. Sophia Loren, à cet instant précis, regarde Secchiaroli, qui fait la mise au point sur le verre de lunettes, et concentre notre attention sur cette traduction nette du regard vertical d’Avedon, qui donnera un tout autre reflet de la personnalité de la star à travers ses propres prises de vue.

Curtis Hollow Horn Bear
En plus d’être un grand photographe, Curtis fut également un anthropologue social émérite. Ainsi peut-on définir Edward Sheriff Curtis dont l’oeuvre exceptionnelle constitue l’unique mémoire des peuples indiens d’Amérique du Nord aujourd’hui disparus. Sur lui, un journaliste américain résuma l’homme en quelques lignes : « Il devint un Indien. Il vécut, il parla indien ; il fut une sorte de Grand Frère Blanc. Il passa les meilleures années de sa vie, comme les renégats d’autrefois, parmi les Indiens. Il découvrit d’anciennes coutumes tribales. Il ressuscita les fantastiques costumes d’antan ». Curtis a entrepris l'inventaire photographique d'amérindiens des 80 tribus existantes. Cette population indienne qui était estimée à plus d'un million d'individus au XVIIIe siécle avait chuté aux alentours de 40 000 lorsqu'il débuta son projet...

Nadar Beaudelaire 1856-58
(…) Nadar introduit la vision frontale, détaillée, sans effets artificiels. Mais il libère autant que faire se peut son modèle dans ses mouvements pour mieux capter son expresssion. Le portrait doit servir la personnalité du portraituré. Acune retouche ,e vient rectifier la vérité fixée sur les tirages ; ses négatifs ,reproductibles, prennent le relais des lithographies et impose les regards de Nadar, notemment sur les célébrités de son temps.
INTIMITE
• Dans cette photographie, le sujet laisse-t-il entrevoir son état intérieur ?
• Photographier un epersonne, est-ce s’immiscer dans son intimité ?
• L’image de l’intimité est-elle sacrilège ou sacrée ?


Marc Garanger femme algérienne 1960
Les Algériennes de Marc Garanger sont reines de la nuit dans un monde de lumière. Voilées de blanc, elles déambulent dans les labyrinthes tracés par les hommes. Pendant la guerre d'Algérie, le sursitaire de vingt-cinq ans a reçu l'ordre par ses supérieurs de photographier les autochtones en vue d'établir leurs cartes d'identité. Inspiré par les regards d'Edward Curtis sur les lndiens, Garanger photographie en plan américain. En voyant les portraits recadrés au format 4x4, le capitaine qui les a commandés ameute l'état-major au cri de : « Venez voir, venez voir comme elles sont laides ! Venez voir ces macaques, on dirait des singes ! » Immergé dans le discours raciste, Garanger, premier témoin de la protestation muette, violente, de ces femmes, reçoit « leur regard à bout portant » et choisit son œil pour « hurler son désaccord ». Les hommes ont les armes pour se révolter tandis que ces femmes, « obligées de se dévoiler », n'ont que leur regard. Garanger  — qu'une analyse très attentive des tirages permet de découvrir inscrit en contre-jour dans leurs pupilles — se donne pour mission de fixer leur dignité.
Ce qui peut être perçu comme une transgression de l'intimité de ces femmes ne doit pas faire oublier que le respect du photographe — dont, à ses yeux, la France manquait envers elles — reste indissociable de sa volonté de dénoncer. En 1965, candidat au prix Nièpce, Garanger consent à recadrer ses négatifs et à estomper le fond autour des visages afin de renforcer l'aspect esthétique. La presse insiste alors sur la beauté de ces portraits quand le photographe ne cesse de rappeler qu'ils ont été faits sur ordre du pouvoir militaire,
Ce n'est que vingt ans plus tard qu'ils retrouvent leur cadrage d'origine, les nuances de leur fond, et que le public peut en percevoir la dimension politique.
Au-delà de tant d'images, preuves d'un travail bien fait sous la contrainte, ces photographies révèlent leur valeur artistique et constituent une mémoire. Quarante ans après, l'intrusion dans une intimité résonne comme un acte sacré. Pour leurs héritières qui défilent dans la rue, ces femmes qui vivaient cachées symbolisent « le courage et la force ». La pose frontale, jugée par certains archaïque, signifie solennité, franchise.
Dans toutes ces poses, les femmes, de la plus jeune à la plus vieille, font face au photographe mais les variations infinies de leurs regards livrent-elles pour autant leur essence ?

Hocine Zaouar world press 1998
C'est en Algérie encore, dans un autre contexte de violence, qu'est prise la célèbre image de Hocine, qui obtient en 1998 le prix World Press. En Occident, tout le monde parle de Madone devant cette femme voilée, figée dans la douleur, pleurant la mort de ses proches, victimes d'un massacre. Dans une religion où la Vierge n'existe pas, Oum Sâad, l'héroïne, en voyant cette photographie, dit qu'elle ne se reconnaît pas et réclame qu'on cesse de la diffuser. La référence à l'esthétique judéochrétienne, dans une civilisation qui n'a pas le culte de l'image religieuse, occulte la dramatique réalité.
AUTOPORTRAIT
• Qu’est-ce qui distingue l’autoportrait du portrait ?
• L’autoportrait est-il une mise en scène ou une mise à nu ?
• L’autoportrait est-il le pendant photographique de l’autobiographie ou du journal intime ?


Bayard au noyé 1840
Dans les années 1830, Hippolyte Bayard invente un tirage positif sur papier. En mal de reconnaissance, il met en scène son suicide ! Et prouve ainsi que la photographie n'est pas un simple outil d'enregistrement du réel.
(…) Ce procédé photographique est une invention encore méconnue et sur laquelle nombre d'inventeurs travaillent. Le célèbre scientifique François Arago, qui connaît ses travaux, préfère défendre le procédé de Louis Jacques Mandé Daguerre, en annonçant le 17 août 1839 que l'Etat français a acheté son invention (en fait, une amélioration des travaux de Nicéphore Niépce, mort six ans auparavant) contre une rente viagère.
Frustré, Hippolyte Bayard cherche à faire connaître sa propre invention, un tirage positif sur papier et non sur la peu maniable plaque de métal. Sa définition d'image est peut-être moins précise que le daguerréotype, mais elle permet un tirage positif direct sur papier. Pour se faire connaître, Bayard présente publiquement ses photographies – de superbes natures mortes et des clichés de statues antiques – et offre le profit des ventes de cette première exposition de photographies aux sinistrés d'un tremblement de terre en Martinique. La presse met l'événement à l'honneur. Mais l'Etat se refuse toujours à l'aider. Bayard pense une nouvelle fois retourner la situation en sa faveur, en se suicidant. Pour rire. En octobre 1840, il se photographie ainsi en noyé, écrivant au verso de la photo : « Le cadavre [...] que vous voyez ci-derrière est celui de M. Bayard [...]. A ma connaissance, il y a à peu près trois ans que cet ingénieux et infatigable chercheur s'occupait de perfectionner son invention. L'Académie, le Roi et tous ceux qui ont vu ses dessins [comprendre photos, NDLR], que lui trouvait imparfaits, les ont admirés [...]. Cela lui a fait beaucoup d'honneur et ne lui a pas valu un liard. Le gouvernement, qui a beaucoup trop donné à M. Daguerre, a dit ne pouvoir rien faire pour M. Bayard, et le malheureux s'est noyé. Oh ! instabilité des choses humaines ! »
Avec ce canular, Hippolyte Bayard réalise la première mise en scène de l'histoire de la photographie. L'idée de se photographier en cadavre, dans la position allongée, permet de mettre en valeur son procédé, qui nécessite une demi-heure de pose, durant laquelle il ne devait pas bouger sous peine d'être flou. L'image de ce féru d'art et bon dessinateur renvoie évidemment à la peinture religieuse, mais également, par la posture abandonnée du cadavre exalté par la blancheur du linge, au Marat assassiné de David. Bayard démontre ainsi que la photographie n'est pas un simple outil d'enregistrement du réel, comme on le pense alors, mais qu'elle produit une réalité propre. Une fiction au même titre que la peinture.
Télérama 30 juillet 2011


CREATION
• Cette mise en scène laisse-t-elle transparaître une revendication ?
• Pourquoi certains peintres recourent-ils à la photographie ?
• Le regard du photographe est-il moins libre que la main du peintre ?



thomas Eakins portant femme nue pennsylvania academy 1885

thomas Eakins portant femme nue Pennsylvania Academy 1885

Thomas Eakins dirige, à partir de 1882, la Pennsylvania Academy of Fine Arts où il enseigne. Dans cette photographie, le procédé n’est pas un prétexte à montrer un corps nu. Les tableaux indiquent que nous sommes dans un atelier. Les élèves ont déserté leurs chevalets et l’estrade est vide. Le professeur se met en scène nu, comme son modèle qu’il porte à bras le corps. Le halo de lumière, qui projette au sol leurs ombres mêlées, les isole au cœur d’accessoires de peintres. La composition est marquée, au premier plan par la croix que forment les personnages. Les fesses et la tête renversée de la femme dessinent une courbe dans le corps lourd que porte l’homme, puissant, qui semble figer son mouvement. Dans le ce cadre immobile, seule la main de la femme a bougé, comme l’indique le flou.
Thomas Eakins fond son programme d’enseignement sur le modèle vivant. La tradition du dessin sert la composition et l’étude du nu soutient le réalisme pictural. La photographie aide le peintre dans son observation précise des détails d’une anatomie. Il peut s’appuyer sur la « réalité » fixée, parfois jusqu’à projeter ses photographies sur la toile, afin de restituer la vérité du sujet.
(…) Mais ses leçons d’anatomie et ses photographies passent pour des alibis de sa perversité. Il est contraint à la démission en 1886.
Grand christ en crois - Thomas Eakins (peint sur la base de photographies)
Hockney Pearblossom Highway, April 1986
David Hockney expose ses photographies au même titre que ses tableaux
torse femme Nojima 1930
Le corps nu, souvent associé au flou vaporeux, a été le thème favori des pictorialistes. Yasuzo Nojima, qui a pratiqué simultanément la photographie et la peinture, a cherché à se rapprocher du résultat — composé + visuel — que l’œil a l’habitude de voir dans la peinture.

VANITE
• La photographie est-elle un miroir sans âme ou un miroir de l’âme ?
• L’image traduit-elle la réalité ou la vision intérieure du photographe ?
• La photographie insuffle-t-elle la vie ou révèle-t-elle la mort ?


l'origine du monde Courbet 1866
Serge Rezvani attribue le pouvoir de rendre fous tous ceux qui approchent l’Origine du Monde de Courbet au fait que ce tableau a été réalisé à partir d’une photographie : « Delacroix ainsi que Courbet ont peint d’après des photographies qu’ils réalisaient de leurs modèles. » Mais il reprocha à la technique photographique d’avoir enclenché le processus fatal de désacralisation du corps humain : « Ce que Courbet a innové avec l’Origine du Monde, c’est le cadrage photographique en peinture (…) L’objectif de la machine à prendre des images a inauguré une nouvelle vision du monde à travers le découpage et le fragment (…) et donc la dissection du corps humain ». Courbet a dit : « La peinture c’est ce que mes yeux voient. » Mais son tableau montre ce qui devait rester caché.
Herbert List, The marble statue of Antikythera Athens 1937
Herbert List avait renoncé au dessin pour la photographie, tout en cherchant à traduire la réalité. (…) A première vue, devant cette image, on pourrait penser qu’il s’agit de chair. La lumière caresse le corps lisse qui semble s’être abandonné aux sables et à l’écume. L ‘équilibre parfait des ombres, qui détachent les courbes lumineuses des épaules et des fesses, rend vivante la plastique du corps. Pour Herbert List, les Kouroï (statue d'un jeune homme, datant de la période archaïque de la sculpture grecque (de -650 à -500) et les statues classiques sont des corps d’éphèbes prisonniers du marbre.

Edward Weston, Nudo di Tina, Mexico 1924

TEMPS TECHNIQUE
• Quels éléments indiquent que cette image n’a pas été réalisée avec un appareil usuel ?
• Le temps est-il un motif inhérent à la photographie ?
• Peut-on photographier l’invisible ?


Lartigue fantome 1905

daguéréotype boulevard du temple 1838



INSTANT
• L’inscription de l’oiseau dans la composition géométrique est-elle le fruit du hasard ?
• En prenant une image qui existe en dehors de lui, le photographe restitue-t-il celle qu’il porte en lui ?
• Comment détecter l’instant dans « l’épaisseur du temps » ?


Kertesz pigeon se posant 1960

HC Bresson Place de l'Europe 1932




MOUVEMENT
• Support statique, la photographie exclut-elle le mouvement ?
• Comment s’impriment, dans une image, le mouvement, la vitesse ?
• Le mouvement est-il une succession d’instants immobiles ou une continuité ?


Nicolas bouvier Tokyo 1956

Muyrbridge cheval occident 1872


MEMOIRE
• Les marques du temps sont-elles l'unique sujet de cette composition ?
• La photographie dit-elle la présence ou l'absence ?
• La photographie abolit-elle le temps ?



H List académie de BA dévastée munich 1945

The Holland House library was damaged during the Blitz londres

Louis james Les anges de Sarajevo la Vijecnica Sarajevo 1993

cristina garcia rodero en las eras ecober espagne 1988

 

DISTANCE TECHNIQUE
• La distance conditionne-t-elle le regard ?
• Si près, si loin : comment la perspective nous rapproche-t-elle de l’infini ?
• Que dit la distance choisie sur l’intention du photographe ?
 



Gilles Caron depardon biafra 1968



DISTANCIATION
• Est-ce en voyeur que le photographe fait intrusion dans cette scène ?
• Comment la distance que le photographe prend avec son sujet se traduit-elle ?
• La distance est-elle la seule mesure de la distanciation ?


NOIR & BLANC
• Une photographie est-elle uniquement le résultat de la prise de vue ?
• Le regard du photographe peut-il être dissocié de celui du tireur ?
• Le noir et blanc vide-t-il la réalité de sa substance ?


flor_garduno_basket_of_light_1989



OMBRE & LUMIERE
• Est-ce l’ombre qui donne forme à la lumière ou la lumière qui donne forme à l’ombre ?
• Le mystère s’oppose-t-il à la clarté ou peut-il naître de la lumière ?
• La lumière sert-elle ou transfigure-t-elle la matière ?


Brassai Paris de nuit 1933



COULEUR
• La couleur ainsi mise en scène est-elle purement décorative ?
• Le photographe conçoit-il de la même façon une image en couleurs et une image en noir et blanc.
• La couleur est-elle le contraire du noir et blanc ?


Gilbert et georges Carry on 2008

Pierre et Gilles Stromae



EFFETS TECHNIQUES
• En photographie, un accident technique peut-il avoir valeur d’effet ?
• Les effets techniques permettent-ils à la photographie de s’affranchir de la réalité ?
• La photographie peut-elle réinventer le monde ?


Man Ray Rayography Champs délicieux n.8 1922

laszlo moholy nagy rayogramme 1923




TRAVAIL SUR IMAGE
• Quels peuvent être ici les indices d’une intervention au tirage ?
• Retravailler un ephotographie, est-ce privilégier le fond ou la forme ?
• Une image retravaillée se nie-t-elle comme photographie ?


MANIPULATION
• Cette photographie porte-t-elle les traces d’une manipulation ?
• Les contraintes techniques freinent-t-elles l’imaginaire du photographe ou me stimulent-elles ?
• La photographie doit-elle être soumise à une condition de vérité ?


Gustave Le Gray grande vague Sète 1857



PERCEPTION IMMEDIATE
• L’intention du photographe est-elle toujours immédiatement perceptible ?
• Le sens d’une photographie réside-t-il dans les seules limites de son cadre ?
• Quand le photographe devient-il poète ?



werner bischof croix rouge suisse budapest 1947

werner bischof sur la route de Cuzco pérou 1954




RESONNANCE
• L’apparente simplicité d’une photographie appelle-t-elle un seul niveau de lecture ?
• Une œuvre littéraire ou musicale peut-elle qider une photographie à trouver en nous sa résonance ?
• La photographie a-t-elle le pouvoir de solliciter un autre sens que la vue ?