mercredi 11 mai 2016

[ATC] Apparition de l'abstraction en peinture






Apparition de l'abstraction en peinture





vocabulaire

Le contexte : C'est la situation générale dans laquelle se situe ce qui est peint. Cette situation peut-être historique, mythologique, religieuse, documentaire, etc.

Le motif : C'est ce qui est peint, identifiable vis à vis du réel : une personne, un arbre, un animal, etc.

La facture : C'est la façon de peindre, c'est à dire la façon de déposer la matière sur le support. Cette manière peut être minutieuse, lente, rapide, violente, répétitive, légère, matiériste, etc.

L'abstrait : C'est une production qui ne se réfère pas au réel. Les éléments qui la constituent sont perçus pour leurs qualités propres, en interaction les uns avec les autres.






Les prémices de l'abstraction

      Pour produire de l'abstrait, il faut se «débarrasser» de plusieurs choses : renoncer au contexte, renoncer au motif, à l'anecdote, au « beau dessin », qui témoigne d'une faculté à restituer fidèlement ce que l'on voit. Dans cette optique, la facture se libère complètement, L’œuvre devient une émanation directe de l'artiste, son tempérament, son regard, son énergie, ses moyens techniques Tout ce qu'il y a à voir n'est que les traces laissées par tout ça.
      Depuis le 15° siècle, en Europe, la facture tend à prendre de l'importance. Le geste du peintre, son « humeur » du moment, son énergie face au support sont des données nouvelles que Michel-Ange, par exemple, a contribué à apporter. Depuis cette époque, les peintres importants ont une facture personnelle, appelée leur «style».



Jean Honoré Fragonard, la liseuse, 1772


      Il faut attendre la fin du 18° siècle avec le romantisme pour voir une véritable libération de la façon de peindre, dans laquelle le peintre en tant que personne, ses idées et ses ressentis prend une vraie importance, au détriment du contexte, de l'anecdote, et du motif. Dans cette libération « personnelle » des peintres, le vide va prendre lui aussi une importance nouvelle, en partie sous l'influence du Japon. 
      En Angleterre, William Turner va faire évoluer fortement cette approche lors des dernières décennies du 18° siècle, en s'éloignant du motif, et en privilégiant la matière picturale pour elle-même, le vide, et la composition des masses optiques.


 
John Mallord William Turner, l'incendie du parlement, 1834


      En France, il faut attendre les années 1870, après Fragonard, pour voir un ensemble de réflexions tendant à libérer le geste du peintre dans la direction de l'abstraction, ce sont les impressionnistes. Ils ne seront pas abstraits, ni désireux de l'être, mais parmi eux Claude Monet va parfois atteindre un niveau d'éloignement vis à vis du motif, et un emploi de la couleur seule, qui lui fera franchir la « limite » de l'abstraction, même si ce n'était pas son but véritablement.

Claude Monet, nymphéas 5, vers 1890

      D'autres courants de pensée apporteront leurs propositions et leurs prises de conscience juste après 1900 ; le fauvisme d'Henri Matisse, qui propose que la couleur nobéisse qu'à sa propre expressivité, sans suivre ni le réel ni le dessin.

Henri Matisse, femme au chapeau, 1905

      Ou encore le cubisme, en la personne de Paul Cézanne, qui propose un regard analytique sur le monde. Systématisation de la touche picturale, débarrassée en partie de l'émotion, des modulations et des « effets » que la peinture peut produire pour susciter de l'émotion.


L'abstraction

Toutes ces prises de conscience depuis la fin des années 1700 se concrétisent en 1909, ou 1910, suivant les sources. Un peintre russe, Wassily Kandinsky, peint la première œuvre volontairement abstraite, sous la forme d'une petite aquarelle. Il est le premier à proposer concrètement une œuvre dans laquelle le plaisir esthétique, l'harmonie, la cohérence de l’œuvre n'ont pas besoin de motifs ou de prétextes illustratifs issus du réel.

Wassily Kandinsky, aquarelle, 1909


      Après 1909, l'abstraction de formes fluides qui semblent improvisées, qu'on appellera abstraction lyrique, va s'enrichir d'un mode de pensée différent : l'abstraction géométrique. Dans cette dernière, c'est le peintre hollandais Piet Mondrian qui propose pour la première fois à partir de 1912 une esthétique orthogonale qui se veut universelle, harmonique et intellectuelle.
      A cette époque, l'abstraction lyrique est perçue comme un élan émotionnel, spontané, et humain, alors que l'abstraction géométrique est perçue comme une mise en ordre de la compréhension du monde, organisatrice et cérébrale. 
      En 1918 le peintre russe Kasimir Malévitch semble donner raison à cette catégorisation en créant, après de nombreuses formes noires, le carré blanc sur fond blanc. Il interroge, en se servant d'un nouveau concept minimaliste, l'intérêt de la peinture, labsence quasi totale de choses à voir, et finalement l'intérêt de peindre, et de créer.



Kasimir Malévitch, Carré blanc sur fond blanc, 1918