vendredi 26 août 2016

[Sculpture] Richard Serra & Constantin Brancusi



Richard Serra

Depuis 30 ans, Richard Serra modèle, fabrique, construit des sculptures en acier monumentales. Ce sont des œuvres qui invitent à se pencher sur les notions de minimalisme, de tension, mais aussi sur le processus de production, le dialogue entre l’œuvre et son environnement et puis aussi, bien-sûr, la qualité des matériaux.
Richard Serra est né en 1939 à San Francisco, obtient un master en littérature anglaise et travaille dans une aciérie pour financer ses études. En 1961, il suit des études d’art à l’université de Yale, y rencontre Philip Guston, Robert Rauschenberg, Ad Reinhardt et Frank Stella qui interviennent comme enseignants.
En 1965, Richard Serra découvre découvre Paris et se rend quasi-quotidiennement dans l’atelier de Brancusi reconstitué au Musée national d‘art moderne. C’est durant ce séjour à Paris, prolongé ensuite en Italie, qu’il se découvre définitivement sculpteur pour développer désormais son œuvre fondée sur la gravité.
Richard Serra réalise ses premières sculptures avec des matériaux non-conventionnels comme le caoutchouc et le néon. Cette importance accordée par Richard Serra au processus prendra la forme d’un véritable programme de travail composé d’une liste de verbes (« enrouler », « appuyer », « couper », « plier », etc.) qui serviront à cerner les enjeux de sa production sculpturale. Lorsqu’en 1967, il réalise To Lift, sculpture constituée d’une plaque de caoutchouc qui semble se soulever ou lorsqu’il crée Thirty-five Feet of Lead Rolled Up en 1968 qui est effectivement composée d’une feuille de plomb enroulée sur elle-même, Richard Serra conserve au matériau toute sa force brute en l’enrichissant de l’énergie qui a servi à lui donner cette forme, et non une autre.
En 1968 également, fasciné par la matière, et en particulier par l’acier, il produit en bouleversant le geste artistique lui-même : protégé par un masque, l’artiste projette à bout de bras du plomb en fusion contre un mur. Le métal se fige au pied de la paroi, donnant lieu à une forme qui ne ressemble ni à une peinture ni à une sculpture. Splashing (1968) témoigne d’une refonte complète du rôle de l’artiste, de la façon qu’il a d’envisager son matériau de travail et du produit qui en résulte.
En 1969, Richard Serra réalise sa fameuse sculpture One Ton Prop (House of Cards), œuvre qui marque un tournant dans sa carrière. Constituée de quatre plaques de plomb de 122 cm par 122 cm, cette œuvre fondatrice a pour caractéristique majeure de voir ses éléments maintenus en équilibre par leur propre poids. Plus besoin de socle, de fixation, d’étais ou même de soudure, l’œuvre résulte de sa tension propre, de cette gravité qui l’anime et la maintient. Grâce à cette œuvre, Richard Serra a réussi le pari d’un art qui offre au visiteur la vision de son propre équilibre et crée un espace.
Richard Serra va ensuite développer des sculptures de très grandes dimensions qui ont une double caractéristique : la première est d’intégrer le visiteur au cœur de l’œuvre, la seconde est d’éviter que l’on puisse la tenir tout entière sous son regard. Conçue spécifiquement pour le site qui l’accueille, chaque œuvre de l’artiste crée de l’espace et invite le visiteur à se déplacer autrement, explorant de nouvelles directions et modifiant son corps comme sa perspective. Le visiteur devient le sujet même de l’œuvre, il en est l’acteur principal.
[Synthèse sur la base d'un document de médiation du CNAP]

Un tableau Pinterest sur Richard Serra [Marc Vayer] : http://pin.it/rkiTlMz

Constantin Brancusi
L’œuvre du sculpteur Constantin Brancusi est celle d’un créateur solitaire qu’il est difficile de relier à un courant artistique précis. Si elle annonce l’abstraction plastique qui caractérise l’évolution de la sculpture moderne, elle s’est développée selon une démarche exceptionnellement personnelle et cohérente. Brancusi est à la recherche d’une nouvelle réalité plastique en se référent à un monde naturel et cosmique.
D’origine roumaine, Brancusi est né dans un village des Carpates, d’une famille paysanne qu’il quitte très jeune pour une vie vagabonde faite d’expédients. En 1894, il s’inscrit à l’École des arts et métiers de Craïova, puis en 1898 à l’École des beaux-arts de Bucarest. À Paris, où il arrive en 1904 (après un long voyage à travers l’Europe, le plus souvent à pied), il suit l’enseignement de l’École des beaux-arts jusqu’en 1907. Dès 1906, il  expose au Salon d’automne où il rencontre Rodin ; en 1907, Brancusi réalise une de ses premières « tailles directes », préférant désormais dégager ses formes du « bloc » naturel - bois, pierre ou marbre.
Brancusi réalise ensuite des portraits sculptés qui seront à l’origine de différentes versions détruisant la notion traditionnelle du buste (La Muse endormie, 1910 ; Une Muse, 1912 ; Melle Pogany, 1912). En 1912, Brancusi visite le Salon de la locomotion aérienne avec Léger et Duchamp, puis, en 1913, il envoie cinq oeuvres à l’Armory Show de New York. Ses œuvres continuent à être réalisées « directement », sans ébauche préalable, selon une conception quasi artisanale. 
Faisant scandale par sa forme ambiguë, issue d’une silhouette de femme en marbre retaillé, La Princesse X est refusée au Salon des indépendants de 1920, mais L’Oiseau d’or y occupe une place d’honneur. Brancusi assiste alors aux manifestations Dada, rencontre Picabia et Tzara et, en 1921, se lie avec Cocteau et Man Ray, qui l’aidera à installer une chambre noire dans son atelier. En 1923, il exécute en terre la première version du Grand Coq. En 1926, une Colonne sans fin, taillée dans un arbre du jardin de Steichen, à Voulangis, est installée pour la première fois in situ.
Il s’installe en 1927 au 11, impasse Ronsin, dans les ateliers qui seront reconstitués après sa mort. En 1928, il gagne un procès, devenu célèbre, contre les douanes américaines qui ont refusé le statut d’« œuvre d’art » à l’Oiseau dans l’espace. 
En 1935, la Roumanie lui commande le mémorial de Târgu-Jiu qui sera réalisé sous ses directives en 1937-1938 (La Colonne sans fin, La Porte du Baiser).
Après avoir obtenu la nationalité française en 1952, Brancusi lègue à l’État français en 1956, un an avant sa mort, l’ensemble de ses ateliers avec tout leur contenu (œuvres achevées, ébauches, plâtres originaux, meubles et outils) - à charge pour le Musée national d’art moderne de le reconstituer tel qu’il était impasse Ronsin. Brancusi manifestait par là sa volonté de ne pas séparer son oeuvre de son environnement privilégié, où tout était marqué de sa main. Outre le mobilier sculpté (porte, tabourets, socles), l’atelier présente un panorama à peu près complet de l’œuvre, grâce aux nombreux tirages en plâtre venus remplacer les originaux (marbre, pierre ou bronze) dès le moment où l’artiste s’en séparait : il permet ainsi, avec le fonds exceptionnel de photographies exécutées par Brancusi lui-même, de suivre, étape par étape, la démarche du sculpteur depuis les volumes simplifiés de La Muse endormie, Mlle Pogany, L’Oiseau dans l’espace, du Poisson, du Phoque, et des Grands Coqs, jusqu’aux œuvres monumentales plus tardives, projet du Temple de l’Amour, piliers du Baiser et Colonne sans fin.
[Synthèse sur la base d'un texte de Marielle Tabart conservateur Centre Pompidou]

Un tableau Pinterest sur Constantin Brancusi [Marc Vayer] : https://fr.pinterest.com/marcvayer/constantin-brancusi/
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En 1967 et 1968, Richard Serra dresse une longue liste de verbes transitifs conjugués à l’infinitif : rouler, plisser, plier, accumuler, courber, raccourcir, tordre, déchirer… Autant de procédures et de gestes possibles qui pourraient tenir lieu de sculptures. Autant d’actions et d’interventions possibles sur les plaques d’acier dont le sculpteur américain va désormais faire sa grammaire première.

http://www.moma.org/explore/inside_out/inside_out/wp-content/uploads/2011/10/Serra_Verb-List.jpg
Richard Serra. Verb List. 1967–68. Graphite on paper, 2 sheets, each 10 x 8" (25.4 x 20.3 cm).

rouler
rabattre
plier
emmagasiner
courber
raccourcir
tordre
tacheter
froisser
limer
déchirer
buriner
fendre
couper
sectionner
gauchir
enlever
simplifier
différer
déranger
ouvrir
mélanger
éclabousser
nouer
renverser
s’affaisser
couler
cintrer
lever
incruster
presser
chauffer
noyer
rayer
tourner
tourbillonner
soutenir
crocher
suspendre
étendre
pendre
ramasser
de tension
de gravité
d’entropie
de nature
de groupe
de couche
de feutrage
saisir
resserrer
lier
entasser
assembler
étaler
arranger
réparer
rebuter
coupler
distribuer
gorger
compléter
enclore
entourer
encercler
cacher
couvrir
emballer
creuser
amarrer
serrer
tisser
joindre
adapter
laminer
agglomérer
pivoter
repérer
élargir
diluer
allumer
moduler
distiller
d’ondes
d’électromagnétique
d’inertie
d’ionisation
de polarisation
de réfraction
de simultanéité
de marées
de réflexion
d’équilibre
de symétrie
de friction
étirer
rebondir
gommer
vaporiser
systématiser
rapporter
forcer
de cartographie
de lieu
de contexte
de temps
de carbonisation
continuer
Extrait de “Richard Serra : Écrits et Entretiens 1970-1989″, Daniel Lelong éditeur, Paris, 1990.

 Richard Serra To lift 1967


 Richard Serra Thirty-five Feet of Lead Rolled Up 1968


Richard Serra Splashing 1968


Richard Serra One Trop Prop 1969


Richard Serra Monumenta 2008


Richard Serra La matière du temps Guggenheim Bilbao (Photo Marc Vayer)

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 Constantin Brancusi La muse endormie 1910


Constantin Brancusi Une muse 1912

Constantin Brancusi Mlle Pogany 1912

Constantin Brancusi Princesse X 1920

Constantin Brancusi L'oiseau d'or 1920

Constantin Brancusi Grand coq


Constantin Brancusi dans son atelier avec colonnes sans fin