samedi 28 mars 2020

[récits imagés] Références semaine 2

[Références semaine 2] Pour ouvrir le potentiel graphique, pour découvrir des univers, pour alimenter les moyens de la représentation, pour affiner le graphisme...

 -----------------------

  • Kim Henn
  • La Maison des Feuilles,  Mark Z. Danielewski, 2000
  • Voyage autour de ma chambre, Xavier de Maistre, 1794
  • Sketchbook "Une marche en Islande", MCmarco, 2012.
  • "Beta... civilisations"par Jens Harder

 -----------------------

 

Kim Henn (https://www.instagram.com/henn_kim/) Proposé par Alizée : un artiste que j'aime beaucoup et que je suis depuis un moment. Je trouve qu'elle rend compte de ses ressentis et réflexions personnelles de façon très efficace à travers un graphisme délicat et épuré.

-----------------------

Carceri [Les prisons], Piranese, gravure, 1761.

 La Maison des Feuilles,  Mark Z. Danielewski, 2000

Le format et la structure du livre ne sont pas conventionnels, sa mise en page et son style sont inhabituels. Il contient par exemple de copieuses notes de bas de page, qui contiennent souvent elles-mêmes des annotations. Certaines sections du livre ne renferment que quelques lignes de texte, voire juste un mot ou deux répétés sur la page. Cette distribution des vides et des blancs, du texte et du hors-texte, peut susciter des sentiments ambivalents d'agoraphobie ou de claustrophobie mais reflète aussi certains événements intérieurs au récit. Un autre trait distinctif du roman réside dans ses narrateurs multiples, qui interagissent les uns avec les autres de manière déroutante. Enfin, le récit se dirige fréquemment dans des directions inattendues. 

Si l’on isole le thème central de ce roman complexe et atypique, on perçoit sans difficulté son lien avec l’architecture : il est essentiellement question d’une maison, figure principale du roman autour de laquelle rayonnent plusieurs autres récits. 
Ce thème s’organise au premier abord de façon assez classique, à la manière d’un récit fantastique dont l’argument n’est guère novateur : une famille aménage dans une maison à la campagne, et ne tarde pas à découvrir que celle-ci se révèle plus vaste à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cette découverte, qui s’accompagne de longues séquences autour de la mesure de la maison, de la mise au point de plans de géomètre, etc., suscite la curiosité et l’effroi de ses occupants.  
A cette première découverte de la nature fantastique d’un espace domestique s’ajoute très vite un élément nouveau : la maison n’est pas fixe, elle s’agrandit et rétrécit de façon imprévisible, des pièces ou des éléments architecturaux (couloirs, escaliers...) s’ajoutent puis disparaissent.  
Ce thème, qui s’enrichit d’une multitude de références à la fois architecturales, littéraires, mythologiques, techniques, etc., parvient ainsi à placer au cœur du roman des notions architecturales (géométrie dans l’espace, structure...) et, de manière intéressante, à faire reposer le fantastique non sur des caractères, mais sur la maison elle-même, organisme fantastique, espace mortifère mais qui semble animé d’une vie propre, dont les intentions échappent d’ailleurs totalement. Le croisement de l’espace nu, désert, réduit à des murs et des escaliers (on pense évidemment aux dessins de Piranèse), et de la croissance organique imprévisible de l’espace, produit ici une focalisation sur la maison – incompréhensible, incontrôlable, qui outrepasse son statut de construction humaine, son statut d’objet, pour devenir, au sens plein, sujet. 
Les personnages semblent réduits au statut de spectateurs, ou plus précisément d’explorateurs de cet espace, de façon très littérale : l’action romanesque proprement dite repose, après l’installation, sur une série de visites, de plus en plus complexes et de plus en plus problématiques, de la maison. Les personnages entrent en elle pour tenter d’en prendre connaissance, en organisant des expéditions qui relèvent d’une forme de parodie des récits d’aventures. 
 De façon assez drôle, tout en étant très angoissante, la visite de la maison s’apparente ainsi, sur le mode de l’hyperbole, à une expédition périlleuse, avec boussole, radio, provisions, fusées éclairantes, et bien sûr cordages en guise de fil d’Ariane8. On assiste ainsi à un renversement de perspective : l’espace romanesque, réduit généralement aux fonctions de décor dans lequel évoluent les personnages, plus ou moins en résonance avec leurs états d’âme, devient ici sujet de premier plan, étrange et radicalement étranger aux personnages, qu’il engloutit et recrache mystérieusement. [Valérie Dupuis : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00517767/document]

« Faible est le réconfort
que tirent ceux qui se désolent
quand les pensées continuent de dériver
alors que les murs continuent de bouger
et que ce vaste monde bleu qui est le nôtre
ressemble à une maison de feuillesquelques instants avant le vent. »
MZD 

Une très bonne critique du livre ici

-----------------------


Voyage autour de ma chambre, Xavier de Maistre, 1794

Au sortir de la révolution française, Xavier de Maistre, officier en garnison dans la petite ville d’Alexandrie, en Italie, vécut une malencontreuse affaire de duel qui le fit mettre aux arrêts pendant plusieurs jours. Le jeune officier accepta la punition avec philosophie. Ne pouvant quitter sa chambre, il se plut à passer en revue les objets qui l’entouraient, notant les réflexions que ceux-ci lui inspiraient, les souvenirs que chacun évoquait en son esprit. Le "voyage" se donne comme le fruit de 42 jours d'arrêts.

La lecture de ce texte peut donner de belles indications sur les angles d'observations possibles dans notre environnement de confinés.

Pour lire en ligne le texte intégral — pas très long, l'équivalent de 70 pages environ.

 -----------------------

 

Sketchbook "Une marche en Islande", MCmarco, 2012.

En 2012, je suis parti un mois marcher en Islande, avec le plus d'autonomie possible. Pour être certain de pratiquer l'observation et l'introspection en dessinant, je n'avais emporté ni appareil photo, ni portable/téléphone. J'ai dessiné et écrit au jour le jour et au retour et au retour, j'ai simplement cumulé ce que j'avais réalisé. Tout a été dessiné "en direct", in vivo, avec quelques retouches compléments sous la tente ou à de rares moments dans un ou deux cafés.



 -----------------------


Beta... civilisations (volume 1)
par Jens Harder

Cinq ans après la parution d’Alpha... directions (primé au festival d’Angoulême), Jens Harder reprend le fil de son grand œuvre et livre les 368 pages très attendues de Beta... civilisations (première partie).
Alpha résumait quatorze milliards d’années de vie sur la Terre, depuis le Big Bang jusqu’à l’apparition des premiers hommes ; Beta prend la suite, s’intéresse à l’évolution des hominidés sur quatre millions d’années et zoome sur 30 000 ans d’histoire des civilisations humaines, jusqu’au début de l’ère chrétienne. La matière est si riche qu’il faudra deux volumes pour en venir à bout.
Dans cette première partie, Jens Harder aborde des sujets tels que le développement des primates, l’invention du feu, l’apparition du langage, la sédentarisation, l’architecture, l’élevage, le développement des cités, l’émergence et le déploiement des différentes formes d’art.
Fidèle à sa méthode, il organise un kaléidoscope d’images (2353 exactement !) empruntées aux sources les plus diverses (peintures rupestres, tableaux anciens, illustrations, vignettes de BD, cartes, diagrammes, photographies, images de films, animations informatiques, etc.). Le sens, inépuisable, naît des rapprochements inattendus entre ces visions hétéroclites qui bâtissent la somme des rêves, des idées et des représentations nées de l’aventure humaine.

Ecouter l'émission "La dispute" du mercredi 30 avril sur France culture.
A 35:45 mn, après un morceau de Depeche mode, un dialogue critique autour du livre.



Quelques planches :










-----------------------