samedi 28 mars 2020

[récits imagés] Références semaine 1

[Références semaine 1] Pour ouvrir le potentiel graphique, pour découvrir des univers, pour alimenter les moyens de la représentation, pour affiner le graphisme...

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  • "Vie ? ou théâtre ?" de Charlotte SALOMON
  • "Asterios Polyp" de David MAZZUCCHELI
  • Roman OPALKA 
  • "Manifeste incertain" de Frédéric PAJAK 
  • "L'amour existe", court métrage [19 mn] de Maurice PIALAT(1961) 
  • Sukkwan Island par UGO BIENVENU 
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Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ?, planche 4925 (finale) (Vie ou Théâtre)
"Vie ? ou théâtre ?" de Charlotte Salomon
En 1941-42, Charlotte Salomon produit en quelques mois 1325 gouaches, la plupart avec des textes inscrits directement dans le dessin ou en calque. Elle en retient 769 pour composer son recueil « Vie ? ou Théâtre ? » [...]
Alors que beaucoup de planches l’ont représentée en train de dessiner, son autoportrait final, dernière planche de son livre (4925, ci-dessus), la montre dessinant le vide, la transparence, le néant. [...]
Une des particularités narratives de « Vie ? ou Théâtre ? » est son déroulement temporel : l’héroïne est aussi narratrice, et l’histoire est contée de l’un et l’autre points de vue. De ce fait, les temporalités se heurtent et se chevauchent. L’exemple le plus frappant est que les premières feuilles (415657) présentent le suicide de sa tante (aussi prénommée Charlotte) en 1913, avant sa naissance, alors qu’elle ne l’apprendra qu’en 1940; idem pour la mort de sa mère (417981, ci-dessus). Cette position duale de l’auteur lui permet de prendre ses distances avec son histoire, avec sa persona d’héroïne (tout comme l’utilisation des pseudonymes, aussi transparents soient-ils). [...]
 Sa gamme de couleurs est très limitée et délibérément expressive : scènes joyeuses claires, scénes déprimantes sombres (ainsi 4791 ci-dessous). Les influences artistiques sont nombreuses, parfois clairement citées, comme Michel-Ange (même si sa représentation de la Sixtine est des plus sommaires 432931), parfois évoquées par un rappel (un tournesol de van Gogh 4351, le baiser de Munch, un paysage de Matisse, une table cézanienne). Plus que les visages, dont l’expression est souvent juste ébauchée de manière très sommaire, c’est la scène dans son ensemble qui communique un sentiment, une ambiance. Même si elle fit des études de dessin et avait une grande culture artistique, on sent souvent chez elle une proximité avec l’art brut, tant par la force de l’expression que par la non-sophistication esthétique et la simplicité d’expression. Par ailleurs, il est frappant de voir à quel point un dessin comme celui du grand-père agonisant (qui n’appartient pas à cet ensemble) est plus précis, plus travaillé que ne le sont ses gouaches. 
Lire très bon article sur le blog "Lunettes rouges"

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 Literature and Media Thoughts: Asterios Polyp

"Asterios Polyp" de David Mazzuccheli

L’histoire narre la crise de la cinquantaine d’un architecte qui, le long de sa vie, aura évalué le monde selon les principes de l’architecture, à savoir diviser puis classer avec une rigueur scientifique les hommes selon deux catégories : les êtres faits de lignes et les êtres faits de formes. Le dessin, littéralement, transcrit cette vision. Le regard bleu acier d’Asterios dissèque l’environnement en formes géométriques et en lignes organisées. Jusqu’au jour où le froid et calculateur héros s’énamoure d’une artiste au regard anarchique et sensitif. Le monde perd ses contours et se forme en creux, par la matière, la lumière, amas de petits et anarchiques traits roses.
La vision de l’un et de l’autre, les volumes céruléens et les hachures roses, se combattent, s’accouplent et se repoussent, au sein des pages, rythmant les hauts et les bas de leur relation. Au-delà du travail sur la ligne, l’idiosyncrasie contamine tout outil propre à la bande dessinée. Comme dans La Mort de Monsieur Absurde, publié dans Rubber Blanket, et dont Asterios Polyp est en quelque sorte la continuation artistique, chaque personnage s’accompagne de sa propre grammaire de bande dessinée : un phylactère, une typographie, une dominante chromatique, une ligne plus ou moins ronde ou anguleuse, uniques sont à chaque fois attribués, chargés de retranscrire l’accent, le phrasé, le tempérament, ce qui fonde leur ontologie. D’une esthétique des perceptions humaines, échafaudée sur l’expressionnisme et sa philosophie illusionniste, pleine de sensualité, Mazzucchelli a lentement mais sûrement dérivé vers une approche à de nombreux égards contraire : conceptuelle et sémiologique. Asterios Polyp marque l’aboutissement de ce cheminement. Ici, le dessin se love dans un tissu de références et de concepts attachés à remettre en cause le primat de la perspective dans la représentation de l’espace, que ce soit les cubistes comme Leger ou Picasso, les peintures figuratives de Philip Guston, les noirs et blanc du dessinateur Saul Steinberg ou les bandes dessinées de Chester Gould.
Néanmoins, là se tient la grande réussite, Mazzucchelli réussit à placer cette esthétique, complexe, bardée de codes et de réflexions philosophiques sur la nature humaine, au service de l’émotion, et plus encore au service d’un thème cohérent, celui de l’incommunicabilité des êtres. Cette odyssée moderne, d’un homme dont les certitudes s’effondrent, est faite de chair, quand elle ne renvoie pas avec émotion au propre cheminement de l’auteur.

Courte conférence d'un étudiant à regarder en vidéo [Observatoire de l'Imaginaire Contemporain - Québec]

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Roman OPALKA

Le peintre franco-polonais Roman Opałka (27 août 1931 – 6 août 2011)  a tenté à partir de 1965 de compter de 1 à l’infini sur ses toiles pour décrire le passage du temps.
Toutes ses toiles, qu’il appelle « détails, » et qui ont pour titre « 1965 / 1 – ∞ », mesurent 196 x 135 cm et montrent les chiffres qui se suivent du haut à gauche au bas à droite.
Quand il est arrivé au chiffre 1 000 000 il a légèrement changé sa façon de faire, en ajoutant 1% de blanc dans le noir qui lui sert de fond, dans le but qu’au bout d’un moment les chiffres se confondent avec la toile et en se photographiant à devant son tableau à chaque fois.
En 2004 il était arrivé à compter jusqu’à 5,5 millions.

Parallèlement à ce travail, Roman Opalka s'est pris en photo tous les matins de 1965 à 2011, selon le même protocole, au même endroit, avec le même éclairage et avec le même appareil photographique.

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"Manifeste incertain" de Frédéric PAJAK

Frédéric Pajak aurait préféré peindre plutôt que dessiner. Mais, pour lui, c’est « la seule manière de faire des livres. Parce qu’on ne peut pas faire des livres avec de la peinture. ». Dessinateur, il ne se définit pas comme bédéiste, « Ce que je fais, ce n’est pas des romans graphiques. Un roman graphique, au sens strict, c’est une narration dessinée, il n’y a pas de texte. Ca s’oppose également à la bande dessinée. (…) Moi je fais autre chose. Dans ces deux langages que sont le dessin et le texte, j’utilise plusieurs formes. ».
Les ouvrages de Frédéric Pajak sont noirs. Faut-il y voir l’expression d’une douleur liée à la perte de son père mort dans un accident de voiture ? « Non. Mon père m’a plutôt transmis quelque chose, l’envie de créer, de m’exprimer. (…) Comme il était peintre, moi, j’étais souvent dans son atelier. Il nous donnait du papier, de la toile, de la peinture pour faire des dessins, souvent avec lui d’ailleurs, on a fait des choses à quatre mains. Donc cette envie de voir les choses en peinture, elle vient de lui, elle ne vient pas de sa mort, elle vient de sa vie. »
Pour créer, Pajak ressent cependant le besoin de se mettre dans des états particuliers. Moteur de sa créativité, la mélancolie est pour lui un sentiment que l’on peut s’approprier « on n’est pas obligé de la subir, on va la chercher, et elle peut nous exalter. »…

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"L'amour existe", court métrage [19 mn] de Maurice Pialat (1961)




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Sukkwan Island par UGO BIENVENU

Ugo Bienvenu est un ancien élève Arts Appliqués de l'école Estienne et a continué sa formation dans la section cinéma d'animation à l'Ecole des Gobelins.



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