Robert Massin (né en 1925) est un typographe majeur de l'histoire du graphisme. Ses travaux questionnent les conventions et tendent vers une "dynamique" du livre. Massin expérimente de nouvelles formes de composition, et cherche à proposer dans ses ouvrages une lecture animée. Le livre, en rivalité avec les images animées et le développement des multimédias, est un support statique. Par des jeux de compositions typographiques et de cadrages rythmés, les compositions de Massin guident le lecteur tout en le tenant en éveil.
Il aborde la succession des pages comme un morceau de musique, une mélodie harmonieuse basée sur un rythme régulier permet au lecteur de trouver des repères. La disposition des visuels et des textes, les répartitions des vides, les cadrages et les échelles se répètent par intervalles, à la manière des mesures qui composent une musique. L'atonalité, en musique une utilisation transgressive des règles classiques, va venir surprendre la lecture. Exagération d'un cadrage, disproportion des vides, décentrage de la composition... sont autant de passages atonales que Massin utilise pour rompre avec la monotonie de la lecture.
R. Massin - La Cantatrice Chauve - Eugène Ionesco
"En 1964 les éditions Gallimard publient un livre-théatre. L'auteur, Massin, directeur artistique des mêmes éditions (de 1958 à 1979) va consacrer plusieurs années à mettre en page, mais je devrais dire à mettre en scène une des pièces de Ionesco les plus surréalistes qui fût.
La mise en page de Massin est le reflet fidèle d'une pièce aux situations et textes les plus absurdes. Le graphiste assista à plus de vingt représentations de la Cantatrice Chauve au théâtre de la Huchette en 1960. Il l'enregistra de même, pour en comprendre la moindre inflexion, les moindres silences. La typographie en tant que medium de transcription phonétique va lui permettre de représenter la scène et les acteurs dans toute leur spacialité. Les échanges, les dialogues prendront corps dans la taille, l'inclinaison, l'anamorphose, le rythme, les graisses, les contrastes, les blancs bien sûr… pour le silence.
Les anamorphoses lui posèrent des contraintes techniques incroyables. Les optiques de Cliché Union ne lui suffirent pas pour rendre compte des modulations innombrables de la voix des acteurs. Massin est mélomane, humaniste érudit. Mozart a peu de secret pour cet homme aux multiples talents. Ce faisant il ne trouva pas mieux que d'imprimer les textes à déformer sur des bouts de préservatifs (condoms) qu'il put triturer dans tous les sens, et infléchir les mots afin d'en rendre le sens de la manière la plus expressive possible."
Extrait du blog de Peter Gabor, designer graphique
La composition et les axes de symétrie : une alternance entre des dispositions centrales et désaxées des éléments qui composent les pages.
La composition des visuels est rythmée : jeux de répétitions et d'alternances.
David Carson et le magazine "Ray Gun"
Dans les années 90 David Carson se voit confier la direction artistique du magazine "Ray Gun", dédié à la musique rock et aux cultures alternatives.En rupture totale avec les conventions de la typographie, Carson développe un style qualifié de "grunge". Les éléments qui composent ses mises en pages sont visiblement déstructurés, penchés et désaxés. Les caractères typographiques sont altérés. Les jeux de superpositions saturent l'espace de la page, ou laissent de grande zones complétement vides.
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Couvertures du magazine "Ray Gun"
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| Dans ce numéro de 1994, Carson utilise la police de caractères Dingbat, qui ne contient pas de lettres mais uniquement des symboles, pour une interview qu'il estimait ennuyeuse et sans grand intérêt de l'artiste Bryan Ferry. Le texte complet - et lisible - de l'interview était publié à la fin du même numéro. |
